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Quatuor Terpsycordes

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L'idée d'un Schubert garanti d'époque semblait stimulante sur le papier ; à l'oreille, elle est confondante d'évidence. Dans des œuvres chargées d'un tel pathos, […] il aurait été facile […] de sombrer dans la surinterprétation expressive, frémissante d'émotions, d'une théâtralité estampillée romantique. C'est oublier que Rosamunde comme La Jeune Fille et la Mort se déploient dans l'univers intimiste du lied, où le grain musical peut se faire plus fin, et qu'il n'est pas besoin de forcer sa voix pour donner à entendre la tension subtile entre l'angoisse de la mort et son acceptation apaisée caractéristique du tragique schubertien. C'est ce qu'ont parfaitement compris nos quatre instrumentistes, dont le 
jeu dégraissé, aux affects maîtrisés, restitue les savantes demi-teintes de ces drames miniatures avec une simplicité non dénuée de profondeur. Le refus du vibrato, notamment, dégage les lignes de toute boursouflure et fait merveille dans le célèbre mouvement lent du 14ème Quatuor comme dans le délicat Minuetto du 13ème. C'est ici une musique à la pointe sèche que l'on entend, un Schubert manière noire, conjuguant la féminité dans les nuances à la virilité des attaques. Et si l'esthétique de la ligne claire prévaut, elle ne déleste en rien ces deux compositions de leur charge sensuelle : il suffit d'écouter l'Andante du 13ème Quatuor, tout en abandon au "plaisir du moment musical" célébré par Bernard Fournier dans le très beau texte du livret, pour s'en convaincre. Les timbres restent charnus et veloutés - loin de l'acidité d'ordinaire reprochée aux instruments anciens -, les tempi laissent à la mélodie tout loisir de se déployer, les phrasés s'autorisent quelques foucades qui animent le discours, comme dans l'ouverture Allegro du 14ème Quatuor, superbe d'allant et de vigueur. Comme les Mozartean Players (Harmonia Mundi) et l'ensemble Gaia Scienza (Winter & Winter) avaient renouvelé de façon convaincante l'écoute des deux trios avec piano, les Terpsycordes laissent entrevoir une nouvelle approche du répertoire romantique pour quatuor à cordes. Leur album constitue une passionnante contribution à la discographie schubertienne,
et la preuve que, décidément, les grandes œuvres du répertoire ont toujours quelque chose à nous révéler.

P. Brévignon