Press

Quatuor Terpsycordes

Métamorphoses nocturnes, Quatuor Terpsycordes

MUSE BAROQUE (F)

Métamorphoses nocturnes, Quatuor Terpsycordes

Décidément, on aura vraiment tout vu : après Chostakovitch, Ligeti chez Muse Baroque ! Est-ce une folie ? Si c’en est une, c’est celle du quatuor Terpsycordes qui a proposé les Métamorphoses nocturnes du compositeur hongrois entre un Haydn et un Beethoven. À partir du moment où l’on avait remarqué qu’un concert intitulé "Métamorphoses nocturnes" était programmé à onze heures du matin, tout était possible.

Et dans ce tout des possibles, nous n’avons entendu que du meilleur. Terpsycordes fait partie des rares quatuors à cordes qui jouent à la fois le répertoire classique et romantique sur instruments anciens et un répertoire plus contemporain sur instruments modernes. C’est déjà une gageure que d’alterner les deux types d’instruments au sein du même programme — et vraiment alterner : Haydn et Beethoven entourent Ligeti. Ce programme est-il incohérent ? Sur le papier, peut-être, puisqu’on voit bien le lien entre "papa" Haydn et Beethoven, mais que fait Ligeti au milieu ? Quand on a écouté, c’est l’évidence : il y a des ressemblances d’intentions frappantes entre le Quinzième quatuor de Beethoven et les Métamorphoses nocturnes, qui tous deux sont des pérégrinations à travers des univers sonores complexes, voire abstraits, tantôt inquiétants, tantôt apaisants, et assurément pensés.

La vraie métamorphose, c’est celle de Terpsycordes. On a peine à croire que ce sont les mêmes musiciens qui ont joué les trois œuvres du programme, tant l’adéquation stylistique est parfaite chez les trois compositeurs. Où entend-on tant de légèreté et d’espièglerie mêlés à tant de délicatesse dans "La Plaisanterie" de Haydn ? Les Métamorphoses nocturnes de Ligeti sont un drame quasi psychiatrique où alternent et se mêlent sous les archets souverains de Terpsycordes gémissements, violentes invectives et murmures frémissants, là doux ou apeurés, ici puissants et tonitruants. Quant au Quinzième de Beethoven, cet ultime quatuor dont le mouvement lent Chant sacré de reconnaissance d’un convalescent à la divinité est si envoûtant, le quatuor Terpsycordes fait preuve d’une maîtrise confondante des moyens — sachant jouer avec ou sans vibrato, par exemple — sans jamais tomber dans les effets gratuits. L’allegro ma non tanto fait entendre scintillements et grondements ; le Molto adagio est fervent, et quel souffle !

C’est un triomphe absolu que ce concert, malgré son horaire inattendu pour un tel programme. Réjouissons-nous : Ambronay enregistre les Terpsycordes dans Beethoven pour une parution en 2013 !

Loïc Chahine