Impressions d'Ambronay 2013
Le Quatuor Terpsycordes s'est produit le 15 septembre dernier au Festival d'Ambronay. Au programme, Haydn, Beethoven et Dutilleux. Critique par Jean-Christophe Pucek, Passée des arts
"(...) La prestation du Quatuor Terpsycordes se plaçait à un niveau incomparablement supérieur. S'il n'a pas encore acquis auprès du grand public la réputation que ses qualités devraient lui valoir, cet ensemble actif depuis plus de 15 ans, jouant sur instruments d'époque – des Vuillaume du milieu du XIXe siècle cordés en boyau et joués avec des archets classiques – ou modernes en fonction des répertoires abordés, n'en est pas moins de plus en plus séduisant au fil des années. Organisé autour d'une thématique rêveuse quelque peu ténue, le programme qu'il proposait débutait et s'achevait par deux œuvres appartenant à l'âge classique, le Quatuor en fa majeur op.50 n°5 (dit « Le Rêve », 1787) de Joseph Haydn et le Quatuor en si bémol majeur op.18 n°6 (dit « La Mélancolie », publié en 1801) de Ludwig van Beethoven, encadrant une partition récente, Ainsi la nuit (1977) d'Henri Dutilleux. (...)
Les deux autres quatuors ont été abordés avec le même dynamisme ravageur qui n'empiète jamais, pour autant, sur un sens très fin des nuances et une vision très nette de l'architecture d'ensemble. Il faut dire que le premier violon, Girolamo Bottiglieri, conduit ses troupes, qu'unit une indéniable complicité, avec une autorité telle qu'on ne se pose pas un instant la question de savoir si elles savent ou non où elles vont, tant l'improvisation semble n'avoir pas sa place en leur sein. Les Terpsycordes ont su apporter au Quatuor en fa majeur de Haydn, sans doute le plus limpide de tout l'opus 50, marquant le retour du compositeur à ce genre après un silence de plus de cinq ans, aussi bien la fraîcheur requise par son premier mouvement à l'humeur aussi détendue qu'une conversation sans façons, que la douceur du tendre et berceur Poco adagio qui, au XIXe siècle, valut son surnom à l’œuvre entière, et l'humour qui, comme souvent chez Haydn, pimente le tout. Du Haydn de 1787 au Beethoven de 1798-1800, date de la composition des Quatuors de l'opus 18, dont les musiciens ont joué le sixième dont ils ont récemment gravé une très belle version au disque, il n'y a qu'un pas. Quelle page plus haydnienne, en effet, que l'Allegro con brio brillant et spirituel par lequel il débute ? Les ombres s'allongent un peu dans l'Adagio ma non troppo, plein d'une nostalgie qui va s'assombrissant, mais elles sont bien vite dissipées par un Scherzo facétieux. Et arrive le dernier mouvement, La Malinconia errante dans ses voiles de deuil que va tenter de faire sourire un Allegretto pimpant, le compositeur parvenant ainsi à évoquer l'alternance de dépressions et de sursauts joyeux propre aux âmes mélancoliques. Là encore, les musiciens ont su, avec autant d'intelligence que de sensibilité, épouser ce flux de sentiments contrastés pour le rendre d'une manière très fluide et naturelle.
Ce concert, très applaudi, a confirmé l'excellente impression laissée par les enregistrements du Quatuor Terpsycordes que l'on souhaiterait ardemment voir aborder maintenant des répertoires un peu moins fréquentés comme, par exemple, la musique romantique française, où il reste tant à faire et où leur enthousiasme contagieux, leur superbe palette de couleurs et le sentiment dépourvu de sentimentalisme qu'ils insufflent aux œuvres ne manqueraient sans doute pas de faire merveille."
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