Bloch, un génie suisse
Les primes lueurs du XXe siècle ont révélé des œuvres aux couleurs insoupçonnées, jeudi soir au Festival Cully Classique. Investi par des inspirations toutes helvétiques, le programme proposait en particulier le Quintette pour cordes et piano d'Ernest Bloch (1880-1959), compositeur suisse dont on commence aujourd'hui seulement à mesurer la force et l'originalité.
Entrelacée et fondue, l'écriture de Bloch charrie l'écume de fleuves nocturnes, et leurs courants post-romantiques sont gagnés ici et là par des effets de timbres surprenants, comme cette utilisation du quart de ton, qui teinte l'ensemble d'accents expressionnistes. Cédric Pescia et le Quatuor Terpsycordes y font merveille, magnifiquement galvanisés. Tandis que le piano se languit dans une incertitude de trémolos, les archets, chauffés à blanc, fendent ces brumes nostalgiques et amorcent les premiers déchaînements. L'ampleur rappelle Rachmaninov, avec les couleurs harmoniques d'un Richard Strauss. Après l'ostinato cardiaque du deuxième mouvement, l'«Allegro energico» conclusif laisse le champ libre à un Cédric Pescia survolté, tandis qu'en surplomb l'essaim des cordes menace. La sérénité de la coda, longue et tranquille, ne sera pas superflue pour calmer les souffles embrasés.
Julian Sykes